Janvier 2017
Négociation sociale : le grand bond en avant ?
Alors que la Loi El Khomri rentre pleinement en application en ce début d’année, il est déjà question pour certains candidats à l’élection présidentielle de l’amputer d’une grande partie de ses mesures, tandis que d’autres prétendent aller encore plus loin dans la remise en cause du droit du travail. Après la « révolution » annoncée en 2016, que se passera-t-il vraiment en 2017 ? Quel que soit le scénario politique qui l’emportera, la question centrale restera celle du rôle de la négociation sociale dans la nécessaire transformation des entreprises.
Les conditions dans lesquelles la loi Travail a été annoncée, discutée et finalement adoptée ont paradoxalement illustré la fragilité du dialogue social et la difficulté des protagonistes à rapprocher leurs points de vue pour aboutir à un compromis majoritairement acceptée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambition portée par cette nouvelle loi, s’agissant de la négociation sociale, nécessite que de nouvelles pratiques s’affirment !
Les 55 000 accords signés chaque année dans les entreprises et recensés par le Ministère du Travail1 témoignent certes d’une réalité, mais ils reflètent surtout dans de nombreuses entreprises le respect formel d’obligations légales qui ont régulièrement augmenté au fil du temps. Trop souvent, les négociations sont conduites sans grande conviction de part et d’autre et les accords conclus s’inspirent très largement des mêmes modèles, plus soucieux du formalisme juridique que des enjeux réels pour l’entreprise. Par lassitude et parfois par paresse, les acteurs sociaux semblent alors se résigner à une situation où le changement est nécessairement imposé par la Loi2.
Pour quelques accords innovants accompagnant de manière concertée l’évolution de l’entreprise et sa recherche d’une plus grande « agilité », combien d’accords affirmant de nouveaux principes sans grande portée pratique, ajoutant au catalogue des mesures sociales et outils RH de nouvelles dispositions souvent redondantes et à l’opérationnalité limitée ?
Au-delà du débat sur la hiérarchie des normes sociales (primauté ou non de l’accord national sur l’accord de branche et celui d’entreprise) particulièrement sensible pour les organisations syndicales3, la loi travail pose implicitement la question du renouvellement des formes de la négociation sociale : comment réussir à s’affranchir de rituels - l’initiative de la négociation revient le plus souvent à la direction qui propose le texte de l’accord et fixe le calendrier, tandis que la contribution des syndicats est insuffisamment encouragée et peu prise en compte, les confortant dans une posture d’opposition - qui entretiennent une relation déséquilibrée et peu productive entre les acteurs ?
Quelle méthode développer pour favoriser la concertation et la recherche d’accords majoritaires ? Tout l’enjeu est là et pourtant largement ignoré par la loi travail qui se contente d’envisager de renforcer les moyens à la disposition des organisations syndicales.