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Conduite du changement : les équipes projets, entre tour de Babel et tour d’ivoire

Le travail en mode projet s’est largement imposé dans le monde de l’entreprise. A l’origine réservé aux projets concernant les produits ou les procédés de fabrication, il s’étend aujourd’hui à tous les projets y compris ceux de transformation de l’organisation pour lesquels les interactions entre acteurs, l’implication du management et l’adhésion du corps social sont déterminants.

Après avoir établi un « brief projet », constituer l’équipe qui aura en charge de le concevoir est naturellement l’une des toutes premières décisions prises par la Direction Générale. Une fois l’équipe « dédiée » installée, un planning ambitieux, pour stimuler l’ardeur des collaborateurs, et un comité de pilotage régulier sont censés garantir que les « livrables » attendus répondront aux objectifs « top down » annoncés au lancement du projet.

La réalité organisationnelle et sociale compromet cependant très vite le travail de l’équipe projet : au-delà des difficultés inhérentes à tous projets bousculant les habitudes et remettant en cause des équilibres ou des compromis chèrement acquis, se manifestent souvent des incompréhensions et des tensions au sein même de l’équipe projet, suscitant l’autoritarisme du comité de pilotage et le désarroi des « sponsors ».

Alors que la culture de gestion de projet s’est largement répandue, que les exemples des progrès indéniables réalisés dans la conduite de projets dans le monde industriel sont régulièrement cités en exemple, le management des projets de transformation semble encore fortement influencé par une approche mécaniste et ignorant les enseignements tels que ceux déjà anciens du Club de Montréal1.

En y regardant de plus près, on s’aperçoit que les circonstances particulières (difficultés économiques, exigences des actionnaires, turbulences sociales …) dans lesquelles de tels projets surgissent, conduisent à un risque de dérive instrumentale de l’équipe qui en a la charge : si le résultat que l’on souhaite atteindre est dicté par les évènements, il reste peu de marges de manœuvre pour bâtir un « vrai » projet. Les compétences internes mobilisées tendent alors à s’effacer devant les ressources externes appelées en renfort de cadres que l’on juge un peu vite « désaffiliés » et résistants au changement. Comme le souligne le Club de Montréal « un projet, en fonction de la façon dont il est géré, peut avoir au plan humain un caractère destructeur ou surgénérateur en termes de compétences, de motivation et d’apprentissage »1.

Quand la détermination d’aboutir à une transformation est bien réelle, la question de la composition et l’animation de l’équipe projet demeure pour autant cruciale. Deux écueils principaux guettent les collaborateurs ainsi rassemblés, celui de l’absence d’un langage commun entre industriels, financiers et RH permettant une production « intégrée » (le syndrome de la tour de Babel), et celui d’une « réinvention » de l’entreprise en ignorant son histoire et en se coupant de sa réalité quotidienne (le syndrome de la tour d’ivoire). Il ne s’agit pas seulement de réunir des compétences et des expertises, souvent parmi les plus reconnues au sein de l’entreprise, encore faut-il instituer des relations de confiance et de coopération au sein de l’équipe projet, ce qui est d’autant moins naturel qu’ailleurs dans l’entreprise la compétition est largement présente. Cela nécessite d’adopter des « métarègles » pour reprendre la terminologie du Club de Montréal, partagées par chacun des acteurs du projet permettant d’assurer la confrontation fructueuse des points de vue, la recherche de solutions sur le modèle des jeux à somme positive et la valorisation de l’implication et de la contribution individuelle. Le plus difficile reste in fine pour un Comité de Pilotage et une Direction Générale d’admettre que l’évolution de l’environnement ou l’analyse de la situation peuvent conduire l’équipe projet à réévaluer le projet et à remettre en cause le « cahier des charges » initial.

Nicolas MADINIER
Dirigeant fondateur NMSC Conseil en Stratégie Sociale et Accompagnement de la Transformation