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Dialogue social dans l’entreprise : une nouvelle approche

Dans un ouvrage récent 1, Francis Ginsbourger met en évidence le décrochage du dialogue social qui perd peu à peu prise sur l’organisation concrète du travail, la mise en œuvre effective des compétences et l’anticipation des transformations de l’entreprise, ce qui constituent pourtant le cœur de la relation de travail. C’est l’une des clés de compréhension de tous les symptômes qui remplissent notre actualité sociale.

Diffuser à large échelle des questionnaires ou confier à des tiers le soin d’auditer le respect des procédures et des valeurs internes, témoignent en apparence d’une volonté d’écoute du terrain. Cela entretien, malheureusement le plus souvent, une vision par le haut du social, faîte de tableaux bords et d’injonctions contradictoires à destination de la hiérarchie intermédiaire. La priorité n’est pas de se doter d’une multitude d’indicateurs nouveaux, même s’ils seraient sans doute utiles, mais bien de reconstruire les bases d’un dialogue social à « portée d’homme » qui soit à la hauteur des enjeux.

Il faudrait pour cela que l’entreprise « ré-internalise » une partie des réflexions et des décisions considérées comme appartenant au domaine réservé des actionnaires et qui échappent de fait à un véritable débat interne. Donner ainsi davantage de consistance à la consultation sur la stratégie de l’entreprise en l’articulant par ailleurs avec le calendrier des autres consultations sur les questions économiques et celui de l’assemblée générale, seraient déjà un progrès.

Une autre défi serait de mettre un terme au morcellement des projets d’adaptation de l’organisation ou d’investissement au profit de « méta projets » qui offriraient davantage l’occasion de mettre en perspective à la fois les enjeux et les impacts sur l’organisation et les conditions de travail. La gestion tactique des procédures de concertation sociale a souvent le pris le pas sur la finalité de l’exercice : expliquer et débattre pour rendre le changement compréhensible et acceptable.

Restaurer un mode d’échange et de dialogue moins formel mais plus riche avec les instances représentatives du personnel, est par ailleurs indispensable. De nombreuses pistes sont à explorer (redéfinir le rôle des instances pour éviter les redondances, déterminer un agenda social annuel, assurer une meilleure communication des débats …) et contrairement aux idées reçues, les organisations syndicales sont souvent les premières à admettre dans l’entreprise la nécessité de moderniser les outils du dialogue social.

Redonner également à la négociation tout son sens, celui d’un moment particulier où l’objectif est de conclure un accord par la recherche d’un compromis acceptable, qui n’empêchera pas d’en rechercher d’autres ultérieurement sur les mêmes sujets. Cela doit conduire les directions à accepter que les syndicats cherchent à peser dans l’obtention de ce compromis par un rapport de force, sans pour autant légitimer la violence. Symétriquement, cela doit également amener les syndicats à assumer la responsabilité de conclure un accord en actant le compromis auquel la négociation a permis d’aboutir.

Décentraliser le dialogue social en s’efforçant de le rapprocher du terrain est souhaitable. Pour autant reporter sur les managers de proximité la gestion RH et la conduite d’un dialogue social de 1er niveau montre dans de nombreuses entreprises ses limites. Prétendre diluer la gestion RH dans le management au quotidien, conduirait peu à peu à un « retour à l’expéditeur » : les services centraux RH se verraient de nouveau saisis de tous les sujets sociaux. Les récentes orientations prises notamment par France Télécom, confirment la nécessité d’un maillage suffisant des grandes entreprises par des professionnels de la fonction RH.

Revisiter, enfin, les « standards » du management qui piègent souvent les acteurs dans des rôles de composition alors que la crise devrait conduire à l’affirmation de convictions et à la confrontation des idées, au risque de rompre avec le dogme du « top down » de «l’alignement » et de « l’implémentation » docile. A l’heure ou de nombreux Cabinets de Conseil remettent au goût du jour l’analyse socio-dynamique 2 , il serait utile de réaffirmer que tout changement dans l’entreprise peut susciter à la fois adhésion (synergie) et critique (antagonisme) et ce chez un même acteur. La meilleure prise en compte en amont des critiques et des propositions permettraient dans de nombreux cas d’éviter les échecs en aval. Juger la réussite des projets de changement non pas tant sur leur rapidité d’exécution que sur leur atteinte des objectifs visés, permettrait en outre de replacer le débat à un niveau où les acteurs opérationnels se sentiraient davantage investis.

La crise économique actuelle en mettant à vif le corps social nous offre l’opportunité de prendre conscience de la nécessité d’un renouvellement en profondeur de notre conception du dialogue social. Il est urgent de s’atteler à la tâche.

Nicolas MADINIER
Dirigeant fondateur NMSC Conseil en Stratégie Sociale et Accompagnement de la Transformation