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Négociation sociale : un art oublié ?

Le projet de réforme des retraites, par la durée du mouvement social qu’il a provoqué, les difficultés de communication du Gouvernement pour expliquer et convaincre l’opinion de son intérêt, et les hésitations entre concertation et négociation sociale, laisseront le goût amer d’un échec du dialogue social.

Certains, n’attendant rien des partenaires sociaux si ce n’est un refus du changement ne sont ni surpris ni déçus. Mais pour les acteurs du dialogue social dans l’entreprise et les grandes organisations publiques, la gêne est difficile à dissimuler. Quelle que soit l’opinion que l’on ait sur le projet en lui-même, la méthode suivie jusque récemment interroge.

Les DRH ou les Directeurs des Relations Sociales qui ont eu à mener à bien un projet d’harmonisation des statuts au sein d’un grand groupe ont appris, parfois à leurs dépens, qu’il s’agit d’un chantier RH parmi les plus difficiles à mener. Un tel projet présente, toute proportion gardée, d’indéniable similitude avec la volonté de créer un système universel de retraite commun à l’ensemble des actifs.

Les difficultés de l’harmonisation

Le retour d’expérience de tels chantiers RH, laisse peu d’illusion sur la possibilité d’une harmonisation autrement que vers le haut, et sur l’opposition déterminée d’une partie du corps social en l’absence de solutions préservant les acquis spécifiques de certains groupes ou catégories de salariés, du moins pour les générations présentes au moment de l’annonce du projet.

L’illusion d’un jeu à somme à nulle

L’économie globale d’un tel projet est rarement construite sur une hypothèse de jeu à somme nulle (la masse salariale devant demeurer constante) mais davantage sur des bénéfices secondaires (accélérer la transformation d’un Groupe, moderniser ses pratiques RH et managériales, renforcer une identité commune, …). Au stade de la réflexion stratégique en amont, l’opportunité de mener simultanément un projet d’harmonisation et un programme d’économies apparaîtrait aux yeux des décideurs comme de leurs conseils, comme attaquer le sommet par la face Nord.

Communiquer sur l’intérêt du projet

Au démarrage de la négociation, l’effort de communication porte généralement sur l’intérêt - pour en faire ressortir la dimension positive - et la nécessité de l’harmonisation (mobilité interne, gestion des carrières, équité, …) pour justifier du calendrier choisi, à défaut de pouvoir en démontrer le caractère d’urgence. Il apparaît contreproductif de stigmatiser les « privilégiés » que l’on prétendrait faire rentrer dans le rang. Ils constitueront naturellement le « fer de lance » de l’opposition au projet sans qu’il soit nécessaire de les provoquer au risque de précipiter leur radicalisation.

Gagner la confiance par la démonstration de ce qu’on affirme

Bâtir un nouveau statut « globalement » équivalent, à défaut de pouvoir reproduire toutes les caractéristiques des anciens dont une partie de la raison d’être a disparu, bouleverse les repères connus de tous. La conduite de la négociation nécessite de partager une masse importante d’études comparatives et une simulation des impacts du projet. Les négociateurs le savent, affirmer un principe d’équivalence ou prendre l’engagement d’une garantie sans être en mesure d’en apporter l’illustration détaillée et chiffrée, aboutissent rapidement à une perte de crédibilité préjudiciable à la réussite de la négociation.

Conserver le soutien de ses alliés

A mesure que les tensions s’expriment, et a fortiori si un conflit social éclate, les négociateurs savent qu’il faut résister à la tentation de l’affrontement avec les opposants au risque de se détourner de ceux avec lesquels la poursuite de la négociation est possible. La socio-dynamique nous apprend que l’échec d’un projet n’est pas lié au nombre d’opposants, mais à la mobilisation insuffisante des « alliés ». Ces derniers ne sont pas des béni-oui-oui mais des acteurs prêts à s’engager pour autant que leurs attentes essentielles soient prises en compte. Il est tentant de les négliger pour faire face aux situations de blocages qui peuvent pénaliser le fonctionnement de l’entreprise, et à s’épuiser souvent en vain à obtenir une trêve ou la reprise du travail.

Respecter la grammaire sociale

La recherche d’un compromis social n’obéit pas aux mêmes règles que celles d’usages dans la négociation commerciale. Chacun des deux camps ne se positionne pas sur une même échelle de valeur. Attendre que chacun déplace de manière symétrique son « curseur » pour parvenir à un accord équilibré est illusoire. Le champ de la négociation est beaucoup plus large et la monnaie d’échange est autant réelle que symbolique. L’échelle de temps à prendre en compte pour mesurer les contreparties obtenues face à telle ou telle concession peut varier fortement d’une négociation sociale à une autre. Les amateurs de jeux de stratégie diraient qu’il s’agit non pas de se mettre dans l’état d’esprit d’un joueur d’échecs mais dans celui d’un joueur de go.

Exprimer clairement ses points durs au début de la négociation est sans doute, l’exercice le plus délicat à faire pour une direction, tentée non seulement de fixer un cap à atteindre mais également d’imposer la feuille de route pour y parvenir. Si les moyens ne sont pas négociables, tôt ou tard l’objectif sera remis en cause par les acteurs de la négociation.

Nicolas MADINIER
Dirigeant fondateur NMSC Conseil en Stratégie Sociale et Accompagnement de la Transformation